Nous ne vous parlerons pas du beurre qui était en rupture de stock à bord, >3kg ont été écoulés depuis St Nazaire et nous sommes passés à deux doigts d’aborder des navires que nous croisions sur la route pour récupérer une plaquette !
Nous sommes partis des Canaries tout début novembre après avoir laissé à quai nos 2 p’tits suisses et Laurent qui s’en sont retournés à leurs mères patries et Juliane, une étudiante de 21 ans, est venue compléter l’équipage jusqu’au Brésil. L’équipage qui était jusqu’alors majoritairement masculin est devenu féminin.
Après un départ au moteur faute de vent, nous avons récupéré la veine de vent (n’y voyez pas un manque du métier de Aude, c’est bien le terme technique). Nous marchons au portant; c’est à dire avec un vent arrière ou de travers, ce qui rend le bateau relativement plat en dépit d’un roulis persistant. La houle est d’1-1,5m ce qui rend la vie à bord plus confortable que les semaines précédentes. Et le soleil continue d’égayer nos journées!! On est bien bien bien comme le dit l’expression !
La meilleure preuve que nous allons bien est la consistance de nos assiettes. Du poulet riz nous passons au poulpe à la galicienne et aux empanadas préparés par Lauriane, un maigre à la cuisson parfaite concocté par Damien, des fajitas végétariennes et pancakes à la banane réalisés par Juliane… bref, les présentations et richesses des menus sont bien visibles ! Et nous profitons de la faible zone de trafic pour prendre nos repas tous ensemble, tout en gardant un œil attentif à la veille.
Le manque de beurre aux cristaux de sel, qui pourrait faire sourire voire même rire, est en soit un véritable problème : nous ne pouvons plus faire de crêpes, de gâteaux ou de scones! Mais surtout, retrouver du beurre salé sous les tropiques est peu probable ! Allons-nous pouvoir continuer… ?
Le vent étant bien stable, nous sortons le spinnaker. Pour tous ceux qui ont eu à gréer cette voile, vous en connaissez la signification : beau temps, belle mer et surtout, surtout elle doit être hissée pour longtemps ! Pari réussi car nous faisons de longs bords sous spi, dépassant même les 180mn en 24h. (10-15 nœuds de vent) Il faut préciser que les empannages demandent un peu de logistique et de forces dans les bras! 90 kg de voile à hisser sur chaque bord (il y a 1 drisse par bord), et repasser le bras (il est unique car il n’est pas possible de faire passer la voile devant les 2 voiles d’avant à poste).
Après avoir passé la barre des 300 milles nautiques nous séparant de l’arrivée, au petit matin, durant le quart qui ouvre le jour, un grand POUM est entendu et le bateau ralentit brusquement, passant de 8,5 à 4 nœuds. Juliane, Lauriane et Aude qui étaient de quart se regardent pour donner une signification à ce bruit totalement inhabituel. Lauriane monte sur le pont et un : « Damien, on n’a plus de spi ! » résonne dans le carré. À notre grande surprise le spi est à l’eau, le long de la coque de Milagro ! Nous voici lancés dans une manœuvre qui durera moins d’une heure. Ne pas se précipiter, chercher comment récupérer ce spi encore retenu par les points d’amure et d’écoute. Un peu de réflexion est nécessaire; l’artimon est affalé, il nous faut empanner pour ne pas que le bateau passe sur le spi, ce qui rendrait la récupération sérieusement plus complexe. Ce serait une très mauvaise idée d’allumer le moteur, au risque d’ajouter des problèmes au problème en coinçant par exemple un bout ou la voile dans l’hélice… Il faut donc barrer avec la houle et le vent, sans voile à poste, pour maintenir une certaine distance entre le franc bord et la voile. Décision est prise de larguer l’écoute pour récupérer la voile par l’avant du navire. Après des efforts assez intenses (180m² de voile, quand même…), le spi est dans son sac et l’ensemble des bouts sont à bord, l’artimon est de nouveau hissé, le yankee et la trinquette déroulés et la route reprend, un peu moins vite certes mais elle reprend. Un café coule, nous sommes tous les quatre contents de la tournure des événements : une leçon de voile grandeur nature ! Il est certain que garder son calme est d’une grande aide dans ce genre de situation.
Une quarantaine de grands dauphins viennent jouer à l’étrave, quelques poissons volants sont visibles et d’autres s’échouent sur le bateau, une Océanite du Cap Vert vient aussi jouer les passagères clandestines plusieurs heures sur le pont durant la nuit du samedi au dimanche 10 novembre… mais toujours pas de baleine, ceci malgré nos demandes répétées au capitaine !
La nuit reste une partie de plaisir, les constellations égayent toujours nos quarts. Parfois, le ciel est plus voilé mais les étoiles filantes restent bien visibles. C’est aussi l’occasion de croiser des cargos qui laisse Milagro pensif. En effet, nous croisons des navires de 300 m de long et cela nous invite à réfléchir à ce qu’ils transportent pour notre consommation: gaz, pétrole et objets de pacotille; les écolos nombreux à bord se sentent un peu dépassés par cette vision.
Inutile de préciser qu’une collision avec ce type de navire nous laisserait aucune chance! La vielle est donc bien nécessaire d’autant plus qu’ils apparaissent à l’AIS parfois bien après que leurs nombreuses lumières soient visibles. En revanche, les équipiers de quart hallucinent avec les sons improbables qui sortent de la VHF en veille sur le canal 16 ! Miaulements, rires,… tout y passe !
François, qui nous rejoint au Cap Vert, apporte un livre sur l’astronomie et sur la navigation de secours : nous allons comprendre le cycle de la Lune qui nous laisse encore pensifs : de rapide apparition et pas de logique dans la progression des quarts et de la position. Ce quart est aussi l’occasion de constater la chance que nous avons d’être là où nous sommes, présents à nous. C’est de la régalade! Avancer sous spi à 7 – 8 nœuds dans le clair de lune et avec une chaleur qui s’améliore est une réelle chance. Les quarts de nuits sont aussi propices aux discussions de fond et les échanges sont plus profonds. Chanceuses durant leur quart nocturne en commun, Juliane et Lauriane ont pu voir les voiles de Milagro illuminées par une chute de météorite !
Quant au quart du matin, après un passage « froid », nous assistons au lever du jour : petit à petit mais assez rapidement la lueur du jour devient clarté et enfin jour. Les couleurs sont changeantes : d’une nuit sombre jaillit doucement un éclat de lumière, le gris s’éclaircit devenant jaune orangé puis enfin jaune… et le soleil fait son apparition. Les premiers rayons du soleil réchauffent : cela veut aussi dire qu’il est l’heure du petit dej sur le pont en admirant ce spectacle.
Il faut tout de même faire un point poisse dans ce décor de rêve :
– D’abord l’humidité de nuit qui transperce. Nous devenons poisseux! Ça passe ce n’est pas très grave puisque le teck du bateau n’est mouillé que jusqu’à 11h le matin. Les planches de natations sont d’excellents sous fesses pour ne pas mouiller notre séant dans cette humidité! En passant sous le 20ème degré nord, cela s’arrange, nous pouvons faire les quarts en shorts.
– Le toilette avant qui était bouché! Nous vous avions passé ce détail dans les précédents récits mais pour qui a navigué, une histoire « toilette » est obligatoire. Toujours est-il que Damien a eu le courage, à défaut du plaisir, d’aller déboucher pour la 4ème fois la pompe dans lequel se coinçait les tampons de la lunette des wc. Les tampons sont aujourd’hui vissés et nous avons mission de veiller à ce que les 4 restent bien en place!!
Arrivée de nuit dans la baie de Praia, le réveil se fait au son de la ville : voitures, chiens et coqs se relaient… entendus depuis le mouillage pour un retour en douceur à terre. Rapidement nous nous mettons à l’ouvrage pour pouvoir repartir dans les prochains jours : Milagro se transforme en laverie et l’avitaillement en produits frais fait le bonheur de nos papilles avides de découverte de nouvelles saveurs.
PS : On nous demande dans l’oreillette l’origine de notre équipier à antennes : Parebat’. C’est un escargot écossais (un petit gris des îles Hébrides s’il vous plaît) arrivé tout seul en juillet dernier, sur le pont du bateau qui était pourtant au mouillage. Découvert un soir, il était prévu qu’il retrouve la terre ferme le lendemain matin… Sauf qu’entre-temps, Toupie a eu la bonne idée de se coucher sur lui dans le cockpit… lui rompant la coquille. En conséquence, Lauriane a pris en pitié ce gastéropode voué à une fin sans suspense si remis à terre… et elle lui a fourni le régime alimentaire visant à la réparation de sa coquille avant de le libérer (farine, coquille d’œuf broyée et verdure variée). La convalescence étant finalement assez longue, il a lui aussi embarqué pour la Patagonie où il ne sera pas possible de le relâcher faute de congénères dans ces contrées…
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